La Désertification Des Montagnes Au Liban : Un Phénomène Problématique
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Par nina El-Haddad et Julie Lakis présenté à Monsieur Gérald Domon
École D’architecture Du Paysage - Faculté De L’aménagement - Université De Montréal - 3 mai 1999
Le Cedrus Libani est l’espèce indigène la plus célèbre au Liban et est reconnue internationalement. Malheureusement, la notion de déforestation au Liban date de très longtemps. Vers 2000 ans av.J.-C. l’activité économique qui faisait vivre les Phéniciens était le commerce du bois, surtout avec l’Égypte.
Ainsi, les forêts de cèdres disparaissaient peu à peu à des fins de constructions navales et funéraires des Égyptiens. À cette époque, le phénomène de déforestation ne tracassait personne. Par la suite, ce sont les Perses, les Turcs et les Romains qui sont venus exploiter cette ressource épuisable.
Ce n’est qu’au siècle premier qu’on assiste à une prise de conscience de la disparition des forêts de cèdres. Par conséquent, les Romains, qui occupaient le territoire à l’époque, ont établi un système de protection des cèdres. C’est à ce moment que le premier parc national a été planifié pour conserver et protéger ces espèces, que l’on considérait comme "sacrées".
Toutefois, en ne considérant pas les autres facteurs, cette stratégie fut presque inutile. Même si le commerce du bois avait beaucoup ralenti, d’autres usages, tels les pâturages et l’agriculture non contrôlés ont continué à avoir un effet néfaste sur les forets. Durant la première guerre mondiale, le bois a été utilisé par le DEST pour le carburant de chemin de fer. De plus, l’occupation des Français au Liban a entraîné un fort développement urbain, qui a eu pour effet de pousser les agriculteurs et les petits villages vers les montagnes.
Jusqu’en 1975, au fur et à mesure que ces villages se sont densifiés, les forêts ont perdu leur ampleur. De 1975 à 1990, la guerre a empêché le développement de bois de manière significative. Aujourd’hui, dû à l’état déplorable des forêts et de l’environnement en général au Liban, plusieurs conventions ont été signées visant la conservation et la protection de la biodiversité. Des programmes, avec assistance internationale, ont été mis sur pied pour le Liban.
Au Liban, les forêts sont nécessaires pour fournir les services suivants :
-#Réduction de la pollution de l’air
-#Protection contre l’érosion
-#Économie de l’eau
-#Bois de construction
-#Habitat et écosystème
-#Tourisme et récréation
{{{I. Environnement et climat au Liban}}}
Une géomorphologie unique et un emplacement sur les côtes de la Méditerranée caractérisent le Liban. Il compose de deux chaînes de montagnes : le Mont Liban, qui est parallèle à la mer, et l’Anti-Liban, qui le sépare de la Syrie. Ces deux chaînes sont séparées par une vaste plaine : la Béqaa. On peut compter cinq régions distinctes : le littoral, les zones de moyenne et de haute altitude du Mont-Liban, la Béqaa, l’Anti-Liban et enfin, le Liban sud. (Voir carte du Liban) littoral Caractérisé par de profondes falaises qui témoignent d’une érosion rapide et récente. Au pied de ces falaises, on retrouve des plages de graviers et de sable.
Mont-Liban Atteint des altitudes allant jusqu’à 3 088 m. Après une élévation raide des abords, plusieurs petits plateaux forment une graduation intermédiaire entre la mer et le sommet. Les pentes du côté Est sont souvent plus raides que celles du côté Ouest. Les zones de haute altitude sont caractérisées par des escarpements qui atteignent le sommet et un paysage dénudé et desséché.
Béqaa Altitude de 900 m en moyenne, plaine traversée par deux fleuves, l’Assi et le Litani. Les pentes sont très douces et la région est très riche au point de vue de l’agriculture. Anti-Liban Frontière politique critique, c’est une chaîne de montagnes moins élevées qu’au Mont-Liban. Haut plateau desséché avec une altitude moyenne de 2 300 m et presqu’aucune vallée profonde. Liban-sud Plateau traversé par de nombreux fleuves. Relief changeant de tabulaire à rond et à raide (d’Ouest en Est).
Une riche biodiversité et une panoplie de petits écosystèmes composent le Liban étant donné les paysages variés, la côte, les montagnes, les vallées. Ces différentes régions peuvent être classées parmi les paliers suivant : Zone Altitude Espèces d’arbres Lower Mediterranean zone 0-500 m Ceratonia, Pistacia, Pinus,Myrthus Euromediterranean zone 500-1 000 m Quercus, Pinus, Cupresus Supramediterranean zone 1 000-1 600 m Quercus, Ostryae, Fraxinus, Cystisus, Pinus, Halimium Mediterranean mountain zone 1 500-1 800 m Cedrus, Abies, Quercus Juniperus, Berberis Oromediterranean zone 2 000 m et + Juniperus, Rhamnus, Berberis, Pinus, Prunus, Daphne, Cotoneaster Pre-steppe mediterranean zone 900-2 400 m Quercus, Juniperus.
Tiré du ministère de l’environnement du Liban
La qualité des sols est généralement bonne : calcaire (Terra-Rossa et Rendzinas). Par contre, sur les pentes abruptes du Mont-Liban et de l’Anti-Liban, l’érosion due à l’eau peut être extrême et les sols fertiles se transforment en lithosols. De plus, 80 à 90 % des pluies totales de l’année tombent pendant une période très intense de novembre à mars ; le reste de l’année les pluies sont rares. La côte ne reçoit qu’environ 800 mm de précipitations par an, tandis que le Mont-Liban reçoit jusqu’à 1 400 mm par an (cette chaîne de montagnes forme une barrière au mouvement des pluies). La température moyenne observée sur la côte varie de 19.5 à 21.5 degrés Celcius et elle décroît de 3 degrés pour chaque tranche de 500 m d’élévation vers les montagnes.
{{{II. Utilisation du sol au Liban}}}
L’utilisation du sol par les habitants n’aide pas la situation fragile de l’environnement au Liban. On peut estimer que 30 à 50 % de la population pratiquent toujours l’agriculture. Voici un tableau très général de la situation de l’utilisation du sol : Utilisation du sol Superficie Proportions / pays Terres cultivées et irriguées 67 000 ha 6.4 % Terres cultivées non-irriguées 218 000 ha 27 % Terres agricoles non-cultivées 75 000 ha 34 % Zones boisées 60 000 ha 6 % Zones urbanisées et autres 630 000 ha 60 %
(1991) Information tirée de "Almashriq" (Rania Masri)
Au début du siècle, les espaces verts au Liban représentaient 15 à 20 % de sa superficie totale. Aujourd’hui, il n’en reste que moins que la moitié. Les zones de désertifications ont pris de l’ampleur : 20 % de la surface totale du pays. On peut dire que les forêts ont été sacrifiées, saccagées et endommagées par l’insouciance humaine par l’ouverture arbitraire de carrières, la provocation d’incendies, les constructions massives sans aucune planification.
Les professionnels du domaine se sont penchés sur la question et ont pris une série de mesures de sensibilisation pour limiter les outrages à la nature, protéger les espèces végétales et animales et pour créer de nouveaux espaces verts. " Indifférente aux avertissements des écologistes, une large fraction de la population libanaise s’interroge sur ce branle-bas pour quelques arbres coupés par-ci, une forêt ravagée par-là, ou une montagne rasée un peu plus loin ! Pourquoi se sentirait-elle concernée par un problème aussi secondaire et futile à ses yeux ? " (Source inconnue).
{{{III. Phénomène de désertification}}}
En 1992, à la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED) à Rio de Janeiro, la désertification a été un des principaux points à l’ordre du jour. La convention sur la lutte contre la désertification a été ratifiée en 1996 par plus de 50 pays dont le Liban.
Selon cette convention, le terme désertification désigne "la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines". Elle se manifeste par une détérioration du couvert végétal, des sols et des ressources en eau. Ainsi, à l’échelle humaine, elle diminue ou détruit le potentiel biologique des terres et leur capacité à supporter les habitants de la région. Mais les conséquences environnementales et économiques ne sont pas limitées aux pays victimes : les effets de l’appauvrissement de la biodiversité et la réduction de la fixation du carbone peuvent être considérables.
Enfin, la désertification représente un obstacle majeur pour le développement durable des zones sèches et contribue à la migration de la population. Causes de désertification dans les montagnes libanaises abandon des terres en terrasses surpâturage du bétail érosion par les vents et par l’eau incendies incontrôlés usage excessif de produits agrochimiques urbanisation non-réglementée développement de carrières perte des habitats naturels déchets solides, toxiques et ménagers.
{{{VI. Recommandations écologiques}}}
Selon la convention sur la lutte contre la désertification, on doit utiliser une approche intégrée avec l’installation d’un développement durable pour atténuer les effets de la sécheresse. "Le développement durable dans un contexte de désertification signifie d’enrayer les processus de dégradation et de stabiliser les équilibres entre ressources et exploitations." On doit concevoir à long terme pour une gestion rationnelle des ressources.
En se basant sur les techniques de restauration pratiquées aux États-Unis et les techniques traditionnelles de cultures dans le bassin méditerranéen et en adaptant certaines de ces techniques selon le contexte des montagnes libanaises (ici la zone de Maasser el-Chouf), nous faisons quelques suggestions pour résoudre un problème majeur : la désertification. La réintégration de la flore indigène est indispensable pour répondre à deux besoins essentiels : emmagasiner l’eau et revitaliser l’activité microbienne dans le sol. Comme on a vu dans les techniques mentionnées plus haut, cette flore doit être composée de végétaux à systèmes racinaires profonds.
On pourra aider ces systèmes racinaires en introduisant des symbiotes qui contribueraient au développement des micro-organismes et à la croissance de la plante. Les espèces à introduire pourraient être les suivantes : Acacia raddiana, Arganiers et Pistachiers car ils forment des systèmes racinaires analogues à ceux des arbres fruitiers. Il est important que les premières plantes introduites soient des feuillus puisque leur litière se transforme plus rapidement en matière organique dans le sol. On a démontré en Tunisie que les feuilles recueillent l’eau condensée par temps de rosée ou surtout de brume. Ces végétaux, par leurs feuilles et par leurs racines superficielles absorbent une bonne partie de ces "précipitations occultes" à l’aube. Les particules d’eau qui composent la brume diffusent le rayonnement solaire, éliminant toute ombre projetée par les arbres au sol et facilitant ainsi la photosynthèse.
Ainsi, la suralimentation hydrique peut être de 20 à plus de 150 mm par an, dépendant des situations locales, de la fréquence et durée de la rosée ou de la brume. À titre expérimental, des pièges ont été mis au point dans certains pays, par exemple au Chili. Les quantités d’eau recueillies peuvent atteindre 500 mm par an pour une région qui ne reçoit pas plus de 120 mm de précipitations par an. Dans le secteur à l’étude, Maasser el-Chouf, la brume est omniprésente surtout en après-midi. Le développement de ces plantes peut être facilité par la mise en place de paillis organiques, qui en plus de jouer un rôle de protection de la surface des sols contre le rayonnement solaire d’été (comme on l’a vu avec la combinaison des vignes avec les arbres fruitiers) et contre les pluies violentes d’hiver, ils facilitent la conservation de l’eau et participent à la régénération du sol en matières riches. Ce n’est qu’une fois que les plantations se sont bien établies dans leur environnement que l’on peut commencer à ensemencer des graines. Il serait prudent d’ensemencer autour des plantations existantes, étant donné que le sol à proximité de ces plantations est plus favorable (comme nous l’avons vu dans les techniques américaines).
Par la suite, il faudra mélanger cette végétation ligneuse avec des végétaux possédant des systèmes racinaires moins profonds pour garder l’eau en surface. Pour que tout ce que nous avons cité plus haut soit possible, il serait important d’établir des systèmes mécaniques comme les terrasses (et de stabiliser les terrasses existantes) pour capter l’eau et empêcher le ruissellement trop rapide qui érode les flancs de montagnes de la région.
Peut-être qu’il serait intéressant de combiner les techniques de terrasses et de jessour pour créer, en montagne, des réseaux de captation d’eau temporaires qui permettraient d’emmagasiner des réserves d’eau, de diminuer l’érosion en s’infiltrant lentement dans le sol au lieu de l’arracher sur son passage. Une autre façon de faire pénétrer l’eau dans le sol serait de fissurer en profondeur à plusieurs endroits pour que l’eau s’infiltre au lieu de s’échapper rapidement vers les vallées. Ainsi, les eaux dans les horizons profonds du sol augmenteraient tranquillement en volume. Cette richesse participerait à l’humidification du sol, à la croissance des plantes et à la régénération des ressources naturelles.
Ce n’est qu’après avoir rétabli un écosystème stable que l’on pourra planter le Cedrus Libani à nouveau sur les flancs de montagne de Maasser el-Chouf, étant donné qu’il se développe dans l’étape climat de régénération. En attendant, on doit vigoureusement protéger les quelque peu qui demeurent.
{{{VII. Recommandations législatives}}}
Il est évident que pour combattre la désertification des montagnes de la région, des mesures préventives, de sensibilisation et de planification doivent être prises. Mais instaurer une réglementation veut aussi dire s’assurer que tous l’appliquent sans exceptions, faute de quoi des sanctions seront imposées.
La sensibilisation serait sans doute le meilleur moyen à long terme et faciliterait l’application des lois. Il y a un grand pas à faire à ce niveau au Liban étant donné que chacun fait à sa guise, en allant du simple cultivateur jusqu’aux ministres eux-mêmes. Mais le but de ce présent chapitre n’est pas de dénoncer les faiblesses du Liban, mais plutôt d’envisager des mesures législatives nécessaires au combat contre la désertification. Voici des recommandations que nous jugeons comme adéquates : La communauté locale doit être impliquée. Il doit y avoir coopération et collaboration avec les villages voisins.
Le moyen pertinent et efficace à long terme est l’éducation ; Des programmes éducationnels devraient être développés pour les écoles et pour les médias pour sensibiliser la population sur le sujet du phénomène de désertification et de l’importance de la biodiversité ; Des programmes de conservation pour les espèces menacées devraient être instaurés ; L’importation de nouvelles espèces devrait être sévèrement contrôlée car certaines pourraient menacer ou même éliminer des espèces indigènes ; Réglementer l’utilisation de pesticides, herbicides et engrais pour éviter la pollution des systèmes d’eau et de l’environnement ; Établir des plans de gestion efficace pour l’utilisation des ressources en eau ; Réglementer la coupe de bois ; Établir un plan directeur organisé pour l’exploitation des carrières ; Établir des systèmes de contrôle des incendies en forêts ; Déterminer des endroits appropriés pour le déchargement des déchets.
{{{Conclusion}}}
L’utilisation appropriée des ressources naturelles est le facteur le plus important dans le développement agricole et rural. L’identification, la quantification et la gestion de ces ressources sont essentielles pour contrôler la dégradation de l’environnement. Pour faire une restauration efficace et adéquate, il faut suivre une méthode bien organisée et complète. Une étude historique du site est nécessaire pour pouvoir déterminer son état original.
Cela nous permet de connaître la flore et la faune indigène de la zone d’étude. De plus, il faut bien comprendre l’interaction entre tous les éléments qui composent le site (flore, faune et interventions humaines). Dans le cas de Maasser el-Chouf, nous avons déterminé qu’il s’agit de montagnes à pentes abruptes, au sol calcaire et au climat qui diffère de façon impressionnante entre l’hiver et l’été. Aussi, nous avons observé que la végétation indigène consiste principalement de cèdres, de chênes, de cyprès et de pins. Par contre, ce territoire n’est pas étranger aux interventions humaines. Il y a eu plusieurs cultures d’arbres fruitiers, ainsi que du surpâturage. Une fois que l’être humain a abandonné la culture et l’élevage, la terre a été tellement exploitée qu’elle n’a pas pu reprendre son cycle naturel. À cette étape, nous avons établi la problématique : la désertification des écosystèmes très particuliers est un problème crucial qui menace le patrimoine du Liban.
Nous avons donc procédé à la comparaison des techniques de culture d’autrefois et des techniques de récupération des sols dégradés d’aujourd’hui. Étant donné que la compréhension du fonctionnement de la nature existait même avant la naissance de Jésus-Christ, des similarités entre les deux techniques étudiées ont pu être notées. Des principes qui s’appliquent à notre situation étant établis, la prochaine étape a été de ressortir les lignes directrices pour la restauration de la zone de Maasser el-Chouf. Il s’agit de repomper l’eau dans un sol desséché en introduisant des plantes à racines profondes, la stabilisation des terrasses et l’implantation de fissures profondes.
Le deuxième problème à régler est celui d’un sol déficient en nutriments. La solution commence aussi avec l’introduction de plantes qui ont la capacité de s’alimenter des eaux qui sont loin de la surface. D’autres méthodes, comme les paillis et les symbiotes peuvent aussi aider la situation. Il est certain que cela se fait par sections et que le temps joue un rôle important dans le processus. Quelques espèces de végétaux ont été suggérées mais il reste à élaborer sur le sujet. L’écosystème de ces montagnes est très particulier et en voie de disparition. Pour bien identifier les plantes à utiliser, il faudra faire des tests de sol et un inventaire du site.
Les surfaces habitées par les plantes indigènes dans cette région sont presque inexistantes. Ainsi, nous avons grand besoin de l’aide de professionnels spécialisés en écologie et en foresterie (ingénieurs agricoles et forestiers). Bref, la désertification est un phénomène d’actualité mondial et la reforestation est la clé pour résoudre ce problème. Il s’agit maintenant de trouver les fonds nécessaires pour commencer les interventions. Il ne faut pas oublier que la reforestation au Liban créerait un nombre très important d’emplois pour les intéressés. Toute la population devrait participer et porter mains fortes à des projets de telle envergure,car seul, personne ne pourra jamais y arriver.
{{{Bibliographie}}}
Ouvrages BERGER, John, Environmental restoration, Island Press, Washington, 1990 PERLIN, John, A forest journey, W.W.Norton & Company, New York, 1989
Sites internet http://www.lb.refer.org/ Présentation de la convention internationale sur la lutte contre la désertification
http://www.aupelf-uref.org/ Systèmes traditionnels d’arboriculture et conservation des sols dans le bassin méditerranéen http://www.almashriq.hiof.no/ The Cedars of Lebanon : significance, awareness and management of the Cedrus libani in Lebanon http://www.agriculture.gov.lb/ L’utilisation des terres et ressources en eau
http://www.moe.gov.lb/ Desertification and Biodiversity http://www.un.org.lb/ Environment http://www.rdl.com.lb/ Les réserves naturelles : pourquoi ?



1. Cas spécifique : région de Maasser El-chouf
Localisation de Maasser el-Chouf dans la région de Chouf Aujourd’hui, le Cedrus Libani se trouve dans seulement 10 petites zones au Liban : (du Nord au Sud) Jabal Qammoua, Wadi Jahannam, Ehden, Bcharre, Tannourin-Hadeth, Jeij, Ain Zhalta, Bmohrain, Barouk et Maasser el-Chouf. La région de Jabal el-Barouk, située dans la partie centrale du Mont-Liban, comporte de trois zones de forêts de cèdres. L’altitude varie entre 1 200 m et 1 948 m. C’est une région qui couvre environ 3 000 hectares mais la surface en forêt ne représente que 7 % de la surface totale de la région. Auparavant, de mai à octobre, environ 2 000 chèvres broutaient les terres de la région. Environ tous les 20ans, les forêts de chêne avaient été coupées pour des buts commerciaux jusqu’en 1960, quand le Service de la Fôret et la FAO a commencé les efforts de reboisement (Plan Vert). En 1975, les efforts ont arrêté avec le début de la guerre. La guerre a fait beaucoup de ravages avec les constructions lourdes de machines et les routes. Aussi, les feux de forêts étaient nombreux. Les brûlements de déchets ont introduit des microbes pathogènes qui ont été très nocifs aux arbres. Nous allons nous arrêter sur la zone des cèdres de Maasser el-Chouf. Avant d’analyser la situation, voyons la distribution de l’utilisation de sol à cet endroit. Superficie (ha) Proportions % Régions urbaines 760 1.6 Horticulture 557 1.2 Culture de champs et jachère 4 777 10.3 Olives 6 712 14.5 Vignes 508 1.1 Arbres fruitiers 1 649 3.6 Agrumes ou bananes 673 1.5 Champs abandonnés ou jachères anciennes 14 574 31.4 Parcours éparpillés 6 864 14.8 Forêts de conifères 2 637 5.7 Forêts de feuillus 1 071 2.3 Forêts dégradées et brousses 4 573 9.9 Roches arides 906 2.0 Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, le pourcentage de terres abandonnées est très important. Un nombre important de gens de la montagne qui utilisaient leurs terres par la culture d’arbres fruitiers s’est exilé vers la ville. Ils ont laissé derrière eux des terres abandonnées. Aujourd’hui, ces terres, dépourvues de végétation importante, et donc de matière organique, sont desséchées, caractérisées par des sols pauvres et possèdent une faible capacité de rétention d’eau. Par conséquent, toutes les eaux de ruissellement se retrouvent rapidement en profondeur ne laissant ainsi aucune chance aux jeunes pousses de se développer. À cet endroit, les cèdres sont en bonne santé et comptent parmi les plus prestigieux au Liban. Ils se sont adaptés à la chaleur et à la sécheresse par l’envoi en bas des racines profondes. Tous les trois ans, une production abondante des graines permet la seule propagation normale significative de cet arbre. {{{IV. Méthodes traditionnelles de culture}}} Dans le bassin méditerranéen, la culture d’arbres fruitiers a été très populaire. On retrouve l’olivier, le caroubier, le figuier, le pistachier, l’amandier, l’abricotier et les agrumes. Il est important de mentionner que les terres subissaient la sécheresse du mois de mai au mois de septembre et que les eaux en ces périodes ne s’accumulaient qu’en profondeur. Dans les systèmes de culture traditionnels, les arbres fruitiers ont souvent été associés de vignes montées sur des pergolas qui couvraient efficacement le sol du printemps à la fin de l’automne pour le protéger du soleil. La production dépend donc de la présence de l’eau et de la capacité des arbres à exploiter cette eau. La vigne peut avoir des systèmes racinaires très profonds et peu ainsi puiser facilement les eaux en été. À d’autres endroits, comme en Italie, on utilise des herbacées plantées en courbe de niveau pour piéger le ruissellement hivernal et de ce fait, protéger le sol contre l’érosion et la sécheresse. Encore mieux, l’utilisation de plantes annuelles dont les résidus peuvent être réincorporés et dont les racines montent et s’humifient dans le sol, peut améliorer ou maintenir la structure du sol. Dans les montagnes libanaises, comme en Turquie, on utilise des tabiâ qui sont des levées de terre avec parements de pierres sèches implantées en courbe de niveau à chaque quatre à dix plantations d’arbres fruitiers. On utilise aussi les jessour qui sont des petits barrages de terre renforcés de pierres sèches, mais cette fois, en fond de vallée pour faciliter l’écoulement des pluies hivernales vers les cultures. À chaque forte pluie, le ruissellement et l’érosion du haut bassin-versant sont importants et, derrière chaque barrage de terre, les déjections animales, la terre, les pailles et les résidus organiques s’accumulent. Ainsi on a, peu à peu, un sol très fertile en fond de vallée mais un sol érodé et pauvre sur les hauts bassins-versants. Le but premier de la culture des arbres fruitiers était l’autosuffisance des cultivateurs. Ils ne se préoccupaient point des facteurs de dégradation des sols. Mais leurs méthodes de culture avaient des avantages majeurs au niveau de la qualité des sols. Non seulement la strate arborée est enrichie de nutriments par les apports de sa litière et des résidus de la taille, mais on améliore notablement la capacité de rétention utile d’un sol en additionnant les systèmes racinaires. De plus, la présence de nombreuses racines à la surface du sol augmente la vitesse d’infiltration des fortes pluies, donc diminue le phénomène d’érosion et facilite le drainage latéral dans le sol. Cet effet est amplifié par des barrières mécaniques telles que les terrasses, les tabiâs et les jessours. {{{V. Méthodes de restauration actuelles}}} Le climat du Sud-Ouest américain ressemble beaucoup à celui du bassin méditerranéen. Par contre, les techniques de restauration des ressources naturelles dégradées sont plus avancées aux États-Unis dus à des études plus poussées sur le sujet. Le chapitre présent traite de ces techniques de restauration. Un programme de restauration devrait commencer par une étude historique de la zone en question, de sa végétation indigène, des caractéristiques des sols qui ne sont pas perturbés et une étude de l’interaction entre les différentes espèces végétales et animales, particulièrement entre les espèces ligneuses et arbustives. La deuxième étape serait de tester une série de "secteurs" pour pouvoir choisir les meilleures stratégies de restauration. En parallèle, il serait prudent de développer une collection de graines pour déterminer lesquelles supportent mieux les conditions existantes. Il est important de savoir que les plantations doivent être assez distancées pour assurer un développement optimal. Les éléments essentiels pour une restauration efficace sont : L’introduction de graines appropriées et l’introduction de symbiotes qui y sont reliés dans un sol qui encourage la croissance des racines et l’établissement des plantes. La préparation du sol, qui peut se faire de plusieurs manières : - la déchirure profonde du sol (sol dur et sec) ; - l’application d’un terreau fertile ; - l’ensemencement d’un mélange de graines qui sont "inoculées" avec les symbiotes appropriés aux conditions de sol. Le contrôle des mauvaises herbes peut favoriser le développement des plantes indigènes. Les paillis et le compostage peuvent apporter des éléments organiques dans une terre sablonneuse. La transplantation des plantes développées en pépinière sur une surface de 1 à 2 % et l’ensemencement autour de cette surface (10 à 20 %). Les jeunes plants peuvent retenir l’eau dans le sol pour donner la chance aux graines de se développer. Une fois que les graines produisent des racines, la surface de sol propice à la croissance de nouvelles plantes augmente et la régénération naturelle peut prendre place. La plantation de végétaux ligneux est fortement recommandée. Il s’agit d’arbres qui ont un enracinement profond qui, avec l’activité racinaire, modifie la fertilité du sol en surface. Les racines absorbent les nutriments de la terre profonde et quand les feuilles tombent et se décomposent, ça renvoie l’azote à la surface du sol. Donc, c’est sous les arbres que le sol devient plus fertile. L’arbre capte l’azote par ses racines et le transfère à la surface du sol par la sécrétion des racines superficielles. Les racines sécrètent aussi des ions négatifs comme le sodium, mais les ions positifs, comme le carbone et le magnésium sont envoyés dans les parties aériennes de l’arbre. Ainsi, les déchets par la chute des feuilles sont riches en Ça et en Mg mais pauvres en Na, ce qui permet la neutralisation du sol. Tout cela est propice au développement d’organismes (bactéries, champignons) qui augmentent le taux de décomposition, minéralisation et fixation de l’azote. Ainsi, on règle le problème d’absence de matières organiques dans le sol. Trouver des solutions pour fixer l’eau dans un sol appauvri et sur une pente très forte comme : - creuser des trous (ou fissures) de trois mètres de profondeur pour augmenter le niveau d’eau dans le sol. Au lieu de couler rapidement vers le bas de la pente et d’éroder tout sur son chemin, l’eau est arrêtée par des fissures et pénètre dans le sol ; - construire des bassins de rétention temporaires pour capter l’eau dans les zones de plantations.
